Pour l'écrivain russe Prilepine, les livres sont plus importants que les présidents
"Les livres ont une vie plus longue que celle des présidents": l'écrivain russe Zakhar Prilepine a tourné en dérision vendredi le boycott de la veille par le président Emmanuel Macron du pavillon de la Russie, pays invité d'honneur du Salon Livre Paris, dans un entretien à l'AFP.
Considéré comme l'un des écrivains les plus doués de sa génération, l'auteur de "L'Archipel des Solovki" (2014) et "Journal d'Ukraine" (2016) s'est battu en Tchétchénie dans les troupes spéciales russes et participe au conflit dans l'Est séparatiste prorusse de l'Ukraine.
Q: Que pensez-vous de l'attitude d'Emmanuel Macron qui a ignoré le pavillon de la Russie par solidarité avec Londres après l'affaire d'empoisonnement de l'ex-espion russe ?
R: "Je n'ai même pas remarqué que Macron n'était pas là. J'écris des livres et les livres ont une vie plus longue que celle des présidents. C'est surtout à Macron de s'inquiéter.
Je ne suis pas espion mais le pouvoir russe n'aurait jamais fait ça. C'est du grand n'importe quoi et il ne peut en tirer aucun avantage. Vladimir Poutine qui décide de tuer un espion une semaine avant les élections ? On ne peut pas prendre ça au sérieux.
Il y a des gens dans le monde qui sont prêts à donner l'ordre de tuer pour déstabiliser la Russie.
En tant qu'écrivain, ce sujet ne m'inspire pas du tout. C'est de l'humour noir, les frères Coen devraient en faire un film".
Q: Irez-vous voter dimanche ? Que pensez-vous de la situation politique en Russie ?
R: "Je n'ai pas voté depuis 1991. Je suis enregistré dans un endroit, je vis dans autre et actuellement je suis dans le Donbass (la région en proie à un conflit entre armée ukrainienne et séparatistes prorusses, ndlr). Bien sûr, je soutiens le président Poutine mais je veux lui dire qu'en Russie, si la fortune des oligarques a augmenté de 360 à 460 milliards de dollars, ce n'est pas une bonne chose. Je voudrais aussi lui dire qu'il faut miser sur le charisme de la population russe. Personne ne le fait en Russie".
Q: Pourquoi participez-vous au conflit dans le Donbass ?
R: "C'est une question d'empathie. Il y a des gens à Moscou qui prennent ça pour une posture mais quand on est sur le front, on peut se faire arracher une jambe ou la tête.
J'ai dirigé des opérations au cours desquelles des gens ont été tués et je continue à le faire. Je suis officier. C'est comme si on demandait à un charpentier s'il travaille le bois.
J'ai une règle que j'essaie d'inculquer à mes soldats : s'il y a moyen de ne pas tuer, on ne tue pas. Notre but est de contrôler et de conquérir des territoires. Tuer n'est pas un but en soi et on devra rendre des comptes en enfer".