Salon du livre 2018: Emmanuel Macron boudera le stand de la Russie "dans le contexte de Salisbury"

La Russie est l'invitée d'honneur de la plus grande manifestation littéraire de France, inaugurée par le président.

POLITIQUE - Le contexte diplomatique l'emporte sur les honneurs de la plume. Selon nos informations, Emmanuel Macron boudera le stand de la Russie ce jeudi 15 mars lors de l'inauguration du Salon du Livre. Un geste éminemment symbolique, la Russie étant l'invitée d'honneur de cette édition 2018 de la plus grande manifestation littéraire de France, avec 38 auteurs invités.

Alors que le chef de l'Etat est attendu sur place aux alentours de 19h, une source élyséenne confirme que "le président ne se rendra pas sur le stand officiel de la Russie dans le contexte de l'attaque à Salisbury". Le chef de l'État a indiqué à la mi-journée qu'il annoncerait "dans les prochains jours" les mesures qu'il compte prendre dans l'affaire de l'ex-espion russe empoisonné en Angleterre, pour laquelle "tout porte à croire" que la Russie en est "responsable" selon lui.

Dans une communication commune avec ses alliés britannique, américain et allemand, le chef de l'Etat a vivement attaqué les "comportements irresponsables" de Moscou dans l'affaire de l'empoisonnement d'un agent double sur le territoire britannique.

"Je condamne avec la plus grande fermeté cette attaque inacceptable", a encore déclaré le président au cours d'un déplacement en Indre-et-Loire.

Les écrivains russes à l'honneur

Si le stand de la Russie, situé au fond du Pavillon 1, sera facilement évitable, l'Elysée n'a pas précisé si le président de la République boudera aussi les écrivains russes que le Salon entend honorer, dont tous ne sont pas de fervents partisans de Vladimir Poutine.

MISE A JOUR

L'Elysée a fait savoir à l'AFP qu'Emmanuel Macron rencontrera bien des écrivains russes au cours de sa visite. "Nous avons à coeur de faire vivre les liens culturels étroits entre la société russe et la société française", a fait savoir la présidence.

Préparé depuis des mois, le Salon devait mettre en avant le renouveau des lettres russes. 38 auteurs russes y ont été invités dont Zakhar Prilepine, 42 ans, politicien controversé proche d'Edouard Limonov, mais aussi écrivain parmi les plus doués de sa génération ou encore Ludmila Oulitskaïa, lauréate du prix Médicis étranger en 1996. Natalia Soljenitsyne, l'épouse de l'auteur de "L'Archipel du Goulag", sera présente tout comme des représentants de la jeune littérature russe qui s'exprime aujourd'hui à travers le roman mais aussi la littérature jeunesse, le polar, la science-fiction, la poésie et même l'embryonnaire bande dessinée russe.

"Je n'ai jamais dépendu du pouvoir, il ne m'a pas fait de cadeaux et je ne lui dois rien", a ainsi confié jeudi Ludmila Oulitskaïa à l'AFP. "Je n'irai pas voter dimanche", a ajouté la romancière qui vient de publier "L'échelle de Jacob" (Gallimard).

La culture, dernier trait d'union

En 2005 déjà, la 28e édition avait été consacrée aux lettres russes, avec le passage de Vladimir Poutine en personne, invité par le président de la République de l'époque, Jacques Chirac. Ce dernier avait salué "le rôle essentiel que les écrivains russes occupent dans la culture et dans la sensibilité européenne et mondiale" et souligné "la relation culturelle entre la Russie et la France".

Treize ans plus tard, après des relations qui se sont successivement dégradées sous Nicolas Sarkozy et François Hollande, cette 41e édition témoigne au moins d'une chose: la littérature est sans doute l'un des derniers points qui fasse consensus entre les autorités russes et françaises. Un constat que l'on peut d'ailleurs élargir à la culture d'une manière générale, même si, comme le rappelle l'écrivaine et historienne Galia Ackerman, elle contribue aussi au "soft power" russe. En témoigne la visite de Vladimir Poutine et Emmanuel Macron à Paris en mai 2017 à l'exposition "Pierre le Grand, un tsar en France, 1717", lourde de symbolique. C'est d'ailleurs lors de cette rencontre que la Russie avait officiellement été invitée au Salon du Livre 2018.

Geoffroy Clavel
Huffington Post, 15.03.2018